Plan Déchet, après le vote du 26 février 2021, viendra l’enquête publique, puis un nouveau vote
La Corse, l’une des dernières régions à élaborer son Plan Déchet, en application de la loi NOTRe du 7 août 2015, a initié la procédure visant à son adoption. Le rapport relatif au Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets (PTPGD) a été soumis à l’Assemblée de Corse. Après avis favorable de la Commission à l’unanimité des présents, les amendements déposés ont été adoptés. La délibération approuvant le Plan Déchet a été votée à la majorité le 26 février 2021. Il doit suivre une nouvelle phase de consultation réglementaire et d’enquête publique, avant d’être soumis à nouveau à l’Assemblée.
Retour sur cette délibération du 26 février 2021 votée par l’Assemblée de Corse
Les 27 articles de la délibération , qui constituaient l’amendement N°26, ont été adoptés en séance. Ils suscitent observations et commentaires, en italique, en suivant la chronologie la plus logique, celle du chemin du déchet : Production des déchets (Intrants) et Prévention, Collecte et Biodéchets dont méthanisation, Traitement avec Pré-tri des Emballages et Sur-tri des Résiduels et ses annexes CSR (Combustibles solides de récupération), enfin Enfouissement.
L’article 10 réaffirme le principe de la diminution de la production de déchets et la création d’unités de recyclage locales.
Il s’agit de la prévention et de la réduction générale des déchets. Cela concerne aussi les produits non recyclables mis sur le marché.
Dans les 30 objectifs du Plan, il n’est cité que des actions « d’accompagnement », « d’encouragement », « d’incitations ». Il est vrai que la loi ne donne pas les moyens pour être beaucoup plus directif. Mais déjà dans les marchés publics devraient être cités des objectifs quantitatifs, qualitatifs et calendaires.
L’Article 8 affirme que la montée en puissance du tri à la source et la collecte au porte à porte restent le cœur et la priorité de la politique de gestion des déchets.
Mais ne sont toujours pas cités les leviers contraignant la mise en œuvre, ni les objectifs quantitatifs et calendaires ambitieux, permettant d’aller au-delà des objectifs légaux pour réduire drastiquement l’enfouissement à l’origine des crises successives que la Corse subit. Elle n’a d’ailleurs jamais atteint dans le passé les objectifs prescrits par les différents plans précédents conformes aux lois en vigueur.
L’article 9 cite la fiscalité incitative pour les ménages, les professionnels et les administrations, mais sans citer, là aussi, les moyens et objectifs calendaires requis, alors que la mise en œuvre de la Tarification Incitative pour le financement du service public de prévention et de gestion des déchets est une des priorités d’actions du fonds déchets de l’Ademe : voir site.
L’article 15 traite des biodéchets avec tri à la source, traitement de proximité. Il rappelle l’objectif de valorisation matière et organique de 65% des DMA (Déchets Ménagers et Assimilés incluant des déchets collectés des professionnels) en 2025.
Il est indispensable de ne pas attendre la finalisation du plan et de passer à l’action immédiatement, afin que les biodéchets des ménages comme ceux des professionnels soient détournés au plus tard fin 2023, conformément à la Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite loi AGEC du 10 février 2020.
Nouveautés loi AGEC concernant le tri mécano-biologique (TMB) : -conditionnement de l’autorisation de nouvelles installations, ou augmentation de capacités d’installations existantes, ou modification notable, au respect par les collectivités de la généralisation du tri à la source des biodéchets -pas d’aides de l’administration à ces installations -à compter du 1er janvier 2027, interdiction d’utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost → Le renvoi en décharge ou en incinération des matières organiques issues des TMB rend d’autant moins pertinente la filière TMB
L’article 13 autorise, au lieu de recommander en priorité, la valorisation organique par tous types de compostage et la création de centres de méthanisation pour les fermentescibles triés à la source. Dans ce dernier cas le biogaz serait valorisé sous forme de chaleur ou d’électricité (cogénération).
L’article 11 réaffirme le principe d’une gestion publique des infrastructures de traitement des déchets.
L’article 14 rappelle que la directive européenne du 30 mai 2018 ne permet plus aucun traitement sur ordures brutes non triées à la source.
Cette disposition mentionne l’interdiction de re-mélanger les flux déjà triés et l’interdiction du TMB (tri mécano biologique) sur ordures brutes. Le risque n’est-il pas que les collectivités se contentent d’afficher quelques dispositifs de tri, tels que des points d’apport volontaire (PAV) et la distribution de composteurs individuels, pour affirmer que les ordures collectées en mélange dans les sacs noirs ont été triées à la source, alors que les taux de tri obtenus sont extrêmement faibles ?
L’article 12 écarte le recours à l’incinération et à la méthanisation industrielle après tri-mécano-biologique.
Il faut rappeler que l’incinération est un traitement thermique, c’est-à-dire une technique de combustion dangereuse car polluante, qui nécessite des investissements démesurément coûteux, inhibant sur le long terme le développement des traitements alternatifs plus vertueux.
L’article 16 retient la création de deux centres de sur-tri sur résiduels, l’un sur la CAPA, l’autre sur la CAB.
L’article 17 affirme le principe du dimensionnement strict de ces installations aux objectifs de montée en puissance du tri à la source, afin de ne pas laisser prospérer un traitement industriel de masse.
Mais aucun objectif quantitatif et calendaire n’est avancé. Les retours d’expérience montrent qu’après un an de mise en œuvre sur tout territoire des dispositifs constituant le Trépied Zéro Déchet (1-tri à la source pour valorisation organique et matière, 2-collecte contrôlée au porte à porte, 3-tarification incitative), on obtient des performances de 70% à 80 % de tri. Il est donc indispensable de poser le principe préalable de la mise en œuvre réelle du Trépied pour au moins 70% de la population de chaque EPCI (intercommunalité) pendant une année. Ensuite seulement l’évaluation du gisement potentiel des résiduels conditionnera la pertinence des projets de sur-tri des résiduels pour les déchets ménagers et assimilés ou leur calibrage.
Les articles 18, 19 et 20 constatent à juste titre que le calibrage du projet CAPA de sur-tri est basé sur une performance de tri de 20%.
Ce projet est donc inacceptable. En effet il ne respecte pas la hiérarchie des modes de traitement, ni les obligations de tri à la source généralisé des biodéchets, ni les objectifs réglementaires de valorisation matière et organique édictés par l’article L. 141-1 du Code de l’Environnement, modifiés par la loi LTECV et la loi AGEC de 2020. Ces installations ne peuvent être autorisées
L’article 21 concerne les combustibles solides de récupération (CSR). Il écarte la fabrication et la valorisation des CSR du fait de l’absence de données pertinentes.
Il faut noter que les professionnels de la filière eux-mêmes sont dans l’attente de réglementation, notamment sur les matériaux, et de dispositifs de régulations financières pour faire face à l’instabilité du marché des énergies fossiles. Actuellement des CSR obtenus par des procédés industriels coûteux ne trouvent pas de débouchés et sont enfouis. Malgré la pression de l’État et de l’Ademe, il est urgent de montrer la non- pertinence de la fabrication de CSR pour la Corse et cela malgré l’injonction de la valorisation énergétique de 70% des résiduels non valorisés sous forme de matière en 2025.
La filière des combustibles solides de récupération appelle des investissements très lourds de la part des collectivités et des industriels, là où des solutions de sobriété, d’éco-conception ou de recyclage sont à privilégier d’urgence. L’argent public doit être utilisé d’abord pour la prévention, le tri à la source, l’économie circulaire et ne pas nous orienter vers de véritables gouffres financiers. Au moment où tout projet doit prendre en compte les émissions de carbone (gaz à effet de serre), brûler des CSR (matériaux complexes en partie issus du pétrole et de composés chimiques), constitue toujours de l’incinération avec son cortège de pollutions.
L’article 22 rappelle les obligations légales et réglementaires de limitation du stockage et propose la création de 4 à 5 centres de stockage de 20 000-25 000T.
Là encore, aucun objectif en temps et en tonnages, de réduction de la quantité de résiduels à enfouir n’est indiqué au-delà des faibles objectifs règlementaires. Le principe du respect de la proximité n’est pas suffisamment souligné : les résiduels d’un territoire doivent être stockés dans ce territoire (chaque communauté d’agglomération et, pour le reste de la Corse, plusieurs communautés de communes associées).
En conclusion…
Le futur plan, dont la synthèse amendée a été votée, s’oriente vers une meilleure gestion des déchets. Mais pour qu’il soit réellement appliqué, il manque cruellement de mesures contraignantes assorties du respect d’un calendrier. Il n’en reste pas moins urgent de faire cesser les nombreux dysfonctionnements dans l’organisation actuelle et de mettre en place le trépied zéro déchet, sans attendre le vote définitif du Plan. Il s’agit avant tout de se conformer aux objectifs du plan en cours (PPGDND), qui ne sont pas atteints et de loin. Les chiffres des déchets publiés par le Syvadec pour 2020 confirment que la Corse continue à dormir avec des taux de tri en moyenne très faibles, avant d’être à nouveau réveillée par de nouvelles crises à court terme…