Nouveau rapport sur le PTPGD : ce n’est pas un faux pas, mais hélas la confirmation d’une fausse route…

Le nouveau rapport du Président du Conseil Exécutif de Corse concernant le Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets est à l’ordre du jour de la session des 25 et 26 février 2021 de l’Assemblée de Corse. Cette nouvelle rédaction continue à susciter interrogations et contestations à propos de la politique envisagée pour notre île.

Notre article du 18 décembre 2020 relatif au précédent rapport interrogeait entre « faux pas » ou « fausse route » ? La réponse est des plus inquiétantes.

Extrait préliminaire du rapport : « Les travaux d’élaboration du Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets doivent permettre de mettre en adéquation les dernières obligations réglementaires de hiérarchisation de la gestion des déchets avec les objectifs de prévention, réutilisation, valorisation matière puis énergétique avant stockage des déchets ultimes. »

  1. La Prévention
    Aucun objectif chiffré, aucun moyen contraignant n’apparaissent pour acter cette prévention. Il est donc impossible de faire des prévisions sur la diminution possible des différents déchets et leurs flux, issus de la mise sur le marché. C’est pourtant l’axe majeur de toutes les politiques, illustrées à grands renforts de slogans, tels que «Réduisons nos déchets, ça déborde !».  Cette réduction doit être jalonnée par des mesures concrètes et constantes, autres que celles suggérées lors de la semaine annuelle organisée par l’Ademe (Agence de la Transition Écologique).
  2. La Collecte des DMA (Déchets Ménagers et Assimilés comprenant une part de déchets d’activité des professionnels)
    « Tri à la source, collecte au porte à porte, tarification incitative » sont évoqués : mais aucun plan d’objectif et de moyen, pas de calendrier, pas de chiffre de progression du tri, pas d’estimation des coûts de fonctionnement* ni d’investissement, pas de mesures financières contraignantes de la part de la Collectivité de Corse (CdC) ou de l’État pour faire appliquer la Loi et le Plan par les EPCI (Communautés de Communes et d’Agglomération).
    Dans la continuation de la politique laxiste qui a conduit notre région à la situation actuelle, il est impossible de faire des prévisions de tonnage et de performance de tri.
    Cela invalide les prévisions suivantes du Plan qui concernent les usines et les centres de stockage.
  3. Le Pré-Tri des Emballages (propres et secs du bac jaune)
    Aucune notion d’études et donc de résultats escomptés ne permet de justifier la pertinence financière (investissements, fonctionnement, transports…) de cette ligne d’équipement qui, initialement, est prévue dans les centres multifilières à côté de la ligne de sur-tri des DMR (Déchets Ménagers Résiduels). Ces installations doivent permettre de maximiser la part du recyclage, donc de la valorisation matière prioritaire dans la hiérarchie des modes de traitement. Les emballages constituent une part relativement réduite des déchets ménagers (environ 11 % des tonnages) et donnent lieu à des recettes grâce au reversement des éco-taxes par Citeo. L’amélioration nécessaire de cette valorisation matière risquerait d’être impactée par le projet de création d’une filière de CSR (Combustibles Solides de Récupération), qui reste de l’incinération avec son cortège de pollutions, d’impacts sur la santé et l’environnement et la nécessité de l’alimenter pour la rentabiliser.

     L’implantation de chaudières pour une valorisation énergétique locale serait un appel à la consommation de plastiques et porterait préjudice au recyclage matière.

  4. Le Sur-Tri des DMR (Déchets Ménagers Résiduels des sacs noirs)
    Extrait du rapport : « Deux centres de sur-tri semblent en l’état nécessaires compte tenu des gisements concernés et des seuils de rentabilité acceptables, à positionner sur les deux grandes zones de production (Aiacciu et Bastia). »
    Cette assertion de janvier 2021 n’est ni argumentée ni justifiée. Elle est fausse. Le plan fait des prévisions sans les justifier !
    Les dépenses d’investissements et de fonctionnement de ces procédés industriels sont très importantes.
    Analyse du gisement potentiel
    Rappel : selon la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV), en 2025 la Corse doit limiter l’enfouissement des déchets ménagers résiduels (DMR) à 90 000T annuelles.
    Ce chiffre de 90 000T** de DMR aurait déjà pu être potentiellement atteint en 2019, dans l’hypothèse d’une prise en compte du gisement des biodéchets (+25 %), s’ils avaient été écartés à la source et traités séparément par compostage (1% seulement en 2019). Cela même sans développement des autres actions de la méthode Zéro Déchet.
    Le futur Plan ne devrait être opérationnel qu’en 2022. A cette date, la progression importante de tri envisagée devrait nettement s’accentuer sous l’effet des autres actions de la méthode Zéro Déchet : collecte contrôlée au porte à porte ou en points de regroupement des cinq flux et tarification incitative généralisée, si elle est réellement rendue opérationnelle, avec notamment la création prioritaire de diverses structures de compostage de proximité. Le tonnage des DMR (résiduels) diminuerait d’autant (tous les retours d’expérience le prouvent).
    Il est donc indispensable de différer les projets d’un ou deux centres de sur-tri sur DMR, dont la fonction première est de séparer les déchets humides, en contradiction avec la collecte et le traitement séparés, imposés par la Loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) du 10 février 2020.
    Fin 2025, après au moins deux à trois années opérationnelles de tri à la source (obligatoire pour les biodéchets fin 2023), il sera possible de connaitre avec précision le gisement potentiel de DMR. A la condition que pendant ces deux ou trois années la méthode Zéro Déchet équipe et accompagne au moins 70% de la population totale de la Corse, et également 70 % de la population de chacune des 19 intercommunalités prise individuellement, de façon à obtenir des performance égales entre toutes. Cet objectif est parfaitement réalisable si l’on y met les moyens.
    Par ailleurs, dans la mesure où, également en 2025, 70% des déchets non valorisés matière devront être valorisés énergie, l’impossibilité de connaitre aujourd’hui les tonnages justifie d’externaliser, dans un premier temps au moins,  le traitement de ce flux (à valoriser énergie). La préparation envisagée de combustibles solides de récupération (CSR) est également concernée par ces remarques, de façon à évaluer la pertinence de ce modèle économique très risqué, sans négliger son impact sanitaire et environnemental.
  5. Le Stockage
    « Deux Centres de Stockage pour 90 000T, voire plusieurs centres de 20 000T ».
    Pour faire cesser les préjudices subis par les territoires ruraux accueillant les centres d’enfouissement depuis des années, il faudra exiger que les territoires d’Aiacciu et de Bastia s’équipent pour enfouir leurs propres déchets ultimes in situ. Pour les autres territoires plusieurs petits centres, n’accueillant que les déchets ultimes des communautés de communes voisines qui s’associent dans ce but, pourront être créés. Dans ce dernier cas les tonnages de chacun de ces centres de stockage pourraient être nettement inférieurs à 20 000T/an.
  6. La Méthanisation (cf. article Wikipedia)
    Le calibrage de ce procédé industriel n’est pas évoqué.
    La création d’une filière de compostage labellisé de qualité à partir de biodéchets triés à la source présente infiniment moins de risques techniques et financiers.
    Des réserves importantes concernant le traitement en méthaniseurs des boues des STEP (toxicité des digestats issus du procédé) sont à prendre en compte. L’étude de ce procédé industriel ne peut s’envisager que pour un bassin de population suffisant, soit 2 ou 3 agglomérations en Corse, qui somme toute sont de taille modeste et éloignées.

 

CONCLUSION

Les importants moyens financiers proposés pour les installations industrielles évoquées (80 M€) ne doivent pas être en contradiction avec les Lois les plus récentes et le respect de la Hiérarchie des Modes de Traitement.

L’urgence est à l’organisation du tri poussé à la source, de la collecte séparée, nécessairement assortie d’un contrôle, de la Tarification Incitative pour les ménages et de la Redevance Spéciale pour les professionnels afin de payer le juste prix du service rendu. Ce sont les moyens les plus rapides à mettre en place, les plus efficaces et les moins onéreux.

Les projets d’installations industrielles ne pourront être raisonnablement évoqués, qu’après deux ou trois années effectives de l’application de la méthode Zéro Déchet.

Ne pas brûler les étapes…

L’oublier serait une faute écologique, sociale et économique.


* La méthode de gestion Zéro Déchet induit infiniment moins d’investissements et génère beaucoup plus d’emplois : exemple de type de dépenses de fonctionnement : 300 ambassadeurs de tri représentent une charge de 22 550€/mois charges comprises, soit 6,750M€ chargés/an (au départ pour 12 semaines d’inventaire de 135 000 foyers insulaires, ou 6 semaines si doublement des effectifs pour 2 mois seulement, puis ensuite pour la maintenance du service de collecte).

**Rappel données Syvadec 2019 : 240 000T DMA (ménagers et assimilés) pour 153 000T DMR (résiduels). Tri des recyclables : 36.4%. Potentiel de Tri incluant les fermentescibles (+25%), soit environ 60% de tri, donc 96 000T de DMR potentiels.)

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